Collectif TRESS : une expérience collective et engagée

 

ENTRETIEN | TRESS est une agence qui fédère un collectif de traiteurs et foodtrucks engagés dans l’alimentation durable. Depuis 2021, l’agence accompagne les organisateur-ices d’événements en proposant une pluralité d’offres de restauration, avec pour ambition de contribuer à changer les pratiques dans le secteur du traiteur événementiel. Rencontre avec Fabien Piro, co-fondateur.

 

« Le collectif TRESS porte la voix des traiteurs engagés pour transformer le milieu de l’événementiel »

 

Le collectif TRESS est né à Lyon en 2020 pendant la crise du Covid. Fortement impactées, plusieurs petites structures engagées dans l’alimentation éco-responsable décident alors de profiter de ce temps disponible pour échanger, partager leurs bonnes pratiques, réfléchir à la façon de mutualiser leurs efforts, et finalement se structurer, avec la volonté de mettre en avant des pratiques éco-responsables pour faire évoluer la filière. Le collectif TRESS était né.

Le collectif est fédéré par une agence qui accompagne sa structuration, son développement et son rayonnement. Fabien explique : « L’agence assure la coordination : les organisateur-ices d’événements ont un seul interlocuteur, un seul devis, une seule facture, et derrière nous on va mobiliser les traiteurs en fonction du cahier des charges ». Ce fonctionnement permet de répondre à des demandes pour de gros événements (jusqu’à 3 500 personnes) tout en garantissant une offre de restauration locale, au maximum en bio, fait maison par de petites structures du territoire. 

Aujourd’hui le collectif rassemble neuf traiteurs (sept à Lyon et deux à Grenoble) et d’autres partenaires (producteurs et transformateurs de type coopérative) et souhaite développer encore le nombre de traiteurs à Grenoble. Fabien indique : « l’idéal c’est de trouver de petites structures et de les accompagner pour les aider à grandir : le collectif TRESS a vraiment cette capacité structurante ». Pour rejoindre le collectif, les traiteurs doivent avoir une certaine capacité de production et pouvoir collaborer sur le plan humain, mais aussi partager une vision commune et s'engager à respecter la charte de valeurs du collectif.

 

« L’ADN du projet est d’apporter des alternatives bio-locales dans un monde qui a du mal à changer qui est celui de l’événementiel »

 

Limiter le gaspillage alimentaire, créer des débouchés pour les producteurs locaux, végétaliser les assiettes, apporter du goût par une cuisine exigeante et engagée…, tous les traiteurs avec qui le collectif travaille s’engagent à respecter une charte de valeurs exigeante sur l’alimentation responsable et les principes de l’économie sociale et solidaire. La charte repose sur trois grands piliers :

• les approvisionnements : minimum 50% de produits bio, minimum 70% de produits locaux (moins de 200km  du laboratoire de production), 0 produits ultra-transformés, boissons en bouteilles consignées… ;
• les pratiques en cuisine : tendre vers le 0 déchet, végétaliser les assiettes, réduire le gaspillage alimentaire, valoriser les bio-déchets, utiliser des produits ménagers respectueux de l’environnement… ;
• l’écosystème de l’économie sociale et solidaire : s’inscrire dans un territoire en privilégiant les partenaires locaux, avoir un mode de gouvernance le plus horizontal possible, une échelle de salaire équilibrée, réfléchir à la structuration des entreprises…

 

 

« À Grenoble, la clientèle est sensible aux enjeux environnementaux et recherche des solutions plus responsables et durables, c’est un marché où le collectif TRESS a su se faire une place »

 

De manière globale, le collectif TRESS reçoit de plus en plus de demandes qui vont dans le sens des démarches éco-responsables. Selon Fabien, cette évolution a été accélérée par l’épidémie de Covid qui a permis aux gens de reprendre conscience de l’importance de l’alimentation locale. Il ajoute : « Les entreprises sont aussi d’avantage contraintes de s’adapter aux enjeux de préservation de l’environnement, et la restauration est un des premiers leviers utilisés car c’est quelque chose de visible, d’assez rapide et relativement peu coûteux à mettre en place par rapport à des engagements de réduction d’impact carbone à plus long terme ».

Fabien précise : « On observe une tendance générale vers des demandes plus RSE sur tous les territoires, mais Grenoble a globalement un temps d’avance sur ces questions grâce à un tissu économique très scientifique, universitaire, médical, avec une population consciente de ces enjeux-là, aussi parce que c’est une ville touchée par le changement climatique, avec des modifications visibles pour les habitant-es. » Selon lui, la démarche RSE y est plus une question de volonté et conviction que de contrainte comme on peut le voir sur d’autres territoires. A Grenoble le collectif TRESS travaille avec une clientèle érudite, sur des congrès scientifiques, des congrès médicaux ou avec l’université, consciente des enjeux environnementaux et du coût que représente l’engagement RSE. Le collectif TRESS peut aussi avoir une position de conseil, car il a l’expérience et expertise de l’alimentation durable : « C’est super d’avoir un-e client-e réceptif-ve à ces démarches et à nos retours, et qui a la possibilité d’adapter. »

 

« Le premier blocage à la diffusion des pratiques éco-responsables est la difficulté du métier de traiteur »

 

Selon Fabien, le premier frein à l'adoption des pratiques RSE dans la filière réside dans la complexité du métier de traiteur : horaires contraignants, travail physique, avec une grande part de logistique. Cette réalité rend encore plus difficile la mise en place de pratiques RSE, notamment en matière de zéro déchet, de mobilité douce ou d'insertion.

Il ajoute : « Si une petite structure qui vient de se créer se fixe trop de contraintes, en cherchant à tout faire parfaitement, elle risque de ne pas tenir sur le long terme : pour les structures qui débutent, il faut y aller progressivement et se faire aider. »  Pour Fabien, ce qui fait la différence, ce sont les associations humaines solides à la base. Ensuite, il s’agit de faire preuve d’intelligence face au marché et d'une capacité d'adaptation : l'idée est de commencer petit et d’y aller progressivement. La force du collectif réside dans cette dynamique d'évolution et de soutien mutuel.

 

« La dynamique du groupe est une des forces du collectif, permettant de créer un espace d’échange pour surmonter les difficultés, partager des idées et mettre en place des solutions concrètes »

Chaque membre bénéficie du soutien et de l’expérience des autres traiteurs du collectif. Fabien souligne : « La force du collectif est de voir que l’on n’est pas seul à vouloir s’engager dans des pratiques plus durables ou à rencontrer telle ou telle problématique, et de pouvoir bénéficier de l’expertise des associés et de tous les autres traiteurs : ça fonctionne comme un espace de parole où les gens peuvent échanger sur de sujets très concrets et variés. »

 

« Notre volonté est claire : faire évoluer l’ensemble de la filière de l’événementiel vers des pratiques plus responsables »

 

En 2025 et au-delà, le collectif TRESS entend consolider son implantation à Lyon et Grenoble tout en s’étendant dans d’autres territoires Rhônalpins. Avec des projets à Valence, Chambéry et Annecy, l’objectif est de devenir un pôle régional capable de répondre à la demande croissante de solutions écoresponsables dans l’événementiel. Le collectif souhaite également développer son offre d’accompagnement dans l’événementiel, en prenant en charge la logistique du mobilier et l’organisation d’événements plus globaux. Fabien conclue : « La volonté du collectif TRESS est de poursuivre sa dynamique pour faire évoluer l’ensemble de la filière de l’événementiel, et pas seulement la partie alimentation, vers des pratiques plus responsables. »